Manon Jules Massenet Manon Jules Massenet Opéra-comique en cinq actes, livret de Henri Meilhac et Philippe Gille d’après le roman de l’abbé Prévost, L’Histoire du Chevalier des Grieux et de Manon Lescaut(1731-1753), créé à l’Opéra-Comique, à Paris, le 19 janvier 1884. Nouvelle production de l’Opéra national de Paris Durée 3h45, avec deux entractes Interlude musical entre l’acte I et l’acte II et entre l’acte IV et l’acte V : C’est lui, musique de Georges Van Parys, paroles de Roger Bernstein, interprété par Joséphine Baker (extrait du film Zouzou, 1934) Opéra Bastille, spectacle initialement programmé du 26 février au 10 avril 2020, mais, en raison d’une grève puis du coronavirus, joué le 4 mars, le 7 mars puis le 10 mars sans public mais afin d’être filmé puis diffusé dans la réalisation de François-René Martin. Création Direction musicale : Dan Ettinger Mise en scène : Vincent Huguet Décors: Aurélie Maestre Costumes : Clémence Pernoud Lumières : Bertrand Couderc Chorégraphie : Jean-François Kessler Dramaturgie : Louis Geisler Chef de chœur : José Luis Basso Assistante à la mise en scène : Sophie Petit Assistant à la mise en scène pour l’Opéra de Paris : Pascal Neyron Cheffes de chant : Sylvie Barret et Muriel Berard Assistant chef d’orchestre : Chris Crans Directeur de la scène : Nicolas Marty Régisseuse générale de production : Elsa Grima Régisseur et régisseuse de scène : Rodrigue André et Sabine Blachière Régisseur technique de production : Jean-Francis Bontemps Responsable vidéo : Mathilde Jobbe-Duval Responsable son : Stéphane Brice Responsable production costumes : Christine Caffiaux Responsable habillement : Sabine Martinez Responsable perruques et maquillages : Jean-Jacques Sempere Distribution Manon : Pretty Yende / Amina Edris Le chevalier des Grieux : Benjamin Bernheim / Stephen Costello Lescaut : Ludovic Tézier Le comte des Grieux : Roberto Tagliavini Guillot de Morfontaine : Rodolphe Briand Brétigny : Pierre Doyen Poussette : Cassandre Berthon Javotte : Alix Le Saux Rosette : Jeanne Ireland L’hôtelier : Philippe Rouillon Deux gardes : Julien Joguet et Laurent Laberdesque Joséphine : Danielle Gabou Danseuses : Clara Belenus Anne Cordary Lisa Gonzales Emmanuelle Jay Yasmine Lepe Iamnia Montalvo Hernandez Danseurs : Tidgy Château Anthony Couroyer Pearl Ebene Maxime Pannetrat Daniel Pop Stoyan Zmarzlik Orchestre et Chœurs de l’Opéra national de Paris Reprise du 5 au 26 février 2022 Direction musicale: James Gaffigan Reprise de la mise en scène : Sophie Petit Manon : Ailyn Pérez Le chevalier des Grieux : Roberto Alagna/Attala Ayan/Benjamin Bernheim Lescaut : Andrzej Filończyk Le comte des Grieux : Jean Teitgen Guillot de Morfontaine : Rodolphe Briand Brétigny : Marc Labonnette Poussette : Andrea Cueva Molnar Javotte : Ilanah Lobel-Torres Rosette : Jeanne Ireland L’hôtelier : Philippe Rouillon Deux gardes : Julien Joguet et Laurent Laberdesque Joséphine : Danielle Gabou Reprise à LES ARTS València du 3 au 15 octobre 2024 Direction musicale: James Gaffigan Assistante à la mise en scène : Sophie Petit Lumières : Christophe Forey Manon : Lisette Oropesa Le chevalier des Grieux : Charles Castronovo Lescaut : Carles Pachon Le comte des Grieux : James Creswell Guillot de Morfontaine : Jorge Rodriguez-Norton Brétigny : Daniel Gallegos Poussette : Antonella Zanetti Javotte : Laura Fleur Rosette : Ester Ferraro La servante: Holly Brown L’hôtelier : Max Hochmuth Deux gardes : Irakli Pkhaladze et Bryan Sala Joséphine : Anaïs Doménech/Francis Perezz Dancers : Haizam Abdalla, Guillermo Castillo, Laura García, Haydée Herrero, Guillem Mañas, Pascual Ortí, Álvaro Peris, Irene Madrid, José Dopateo, Celia Sandoya, Carola Tauler Cor de la Generalitat Valenciana Orquestra de la Comunitat Valenciana Photos :© Julien Benhamou et Elena Bauer / OnP pour les plans larges Note sur la mise en scène par Vincent Huguet Obsession Manon « Eh oui ! Je danserai, chanterai, jouerai, toute ma vie, je suis née seulement pour cela. Vivre, c’est danser, j’aimerais mourir à bout de souffle, épuisée, à la fin d’une danse ou d’un refrain. » Joséphine Baker Manon, c’est celle qui, promise à un destin, refuse « dans un éclat de rire » de s’y plier. C’est celle qui, dans une rue, la nuit, lève les yeux vers de hautes fenêtres illuminées où on festoie, on danse, on s’aime bruyamment, et qui décide que cette vie sera la sienne, coûte que coûte. Elle plaît, instantanément, aux hommes, aux femmes, aux jeunes et aux vieux, à tous ceux qui posent les yeux sur elle, sans savoir s’il s’agit là d’un don ou d’une malédiction. Elle va expérimenter que l’un ne va pas sans l’autre. « Sphinx étonnant », elle brûle les étapes et les planches d’une époque à la fois insouciante, volage, avide, mais aussi inquiète de l’avenir, avec de lourds pressentiments dans l’air. Quand Manon chante, c’est toujours carpe diem, pour dire « Qui sait si nous vivrons demain ! » et exalter du fond de son âme un hédonisme qui tient moins de la coquetterie que de l’urgence, un cri du cœur qui fédère autour d’elle une foule versatile et interlope de suiveurs qui la vénèrent et en font la reine de leurs nuits, le souffle nouveau de leurs existences frelatées. Elle vient d’ailleurs, elle a un air, un accent, qui affolent, une façon de rester toujours un peu étrangère, insaisissable et elle semble traîner la mélancolie d’un monde qu’elle seule connaît, comme ce menuet entêtant que l’on entend au loin. Ceux qui tournent sans relâche autour d’elle et se la disputent comme on enchérit pour une œuvre d’art ont-ils entendu les mots que Manon adresse à son chevalier dans le livre de l’abbé Prévost : « la fidélité que je souhaite de vous est celle du cœur » ? Des Grieux, peut-être, justement lui, âme d’enfant, cœur d’adolescent, qui de rêves exaltés en voix impénétrables se forge une foi aveugle et finit par croire en Manon comme on croit au ciel, avec un fanatisme croissant. Est-ce qu’il s’y perd, est-ce qu’il s’y trouve ? Sa passion pour elle reste fixe, il est plus jeune, il est plus beau et surtout beaucoup plus pur que ses rivaux. Leur urgence n’est pas celle de Manon: elle veut vivre, vite et bien, avant que la lumière s’éteigne, eux ont quelque chose à prouver et à se prouver à propos de leur pouvoir, leur richesse, leur sexualité et ils pensent que la solution, c’est de la posséder. Parce que Manon est devenue le centre de ce petit monde, elle en est à la fois l’arbitre et la proie, celle sur qui se projettent les désirs et les ambitions, celle qui cristallise les ambiguïtés, celle dont on ne peut plus se passer. Une obsession. L’amour, l’argent, la musique, la danse et même Dieu : tout passe par elle. Habile, elle sait d’abord en jouer, mais, comme le Roi carnaval à la fin de la fête, on va la brûler, elle et tout ce qu’elle représente, tout ce qu’elle a permis. Manon, c’est aussi une parenthèse, une bouffée d’optimisme et d’énergie salvatrice dans un monde entre deux eaux, entre deux guerres, une femme qui n’a peur de rien sauf de ne pas trouver le bonheur. Et qui fascine et irrite par sa liberté: partie de rien, échappant au couvent comme d’autres à la misère, à la prison ou au mariage, elle conquiert Paris, comme le font dans les années folles Gaby Deslys, Mistinguett, Suzy Solidor et surtout Joséphine Baker. Comme elles, elle est à la fois chanteuse de music-hall, un peu actrice, un peu danseuse et surtout charismatique. Mais Manon va trop vite, trop loin, et la société qui l’a portée aux nues va l’anéantir. Avec elle « disparaît tout l’éclat de la fête » mais, dans les dernières mesures de l’opéra, par la grâce de l’amour inconditionnel que des Grieux lui porte, elle sera, telle la nymphe Callisto, transformée en étoile, pas une constellation mais un astre brillant comme un diamant et comme la fureur de vivre que génération après génération elle continue à incarner.