Trois femmes

Histoires sacrées de Marc-Antoine Charpentier

Trois femmes

Histoires sacrées de Marc-Antoine Charpentier

Histoires sacrées et motets de Marc-Antoine Charpentier réunis par Sébastien Daucé et Vincent Huguet. Premier projet scénique de l’ensemble Correspondances, créé le 6 octobre 2016 en l’église Notre-Dame de la Gloriette, Caen.

Coproduction : théâtre de Caen et Abbaye de Royaumont avec le soutien de la Fondation Daniel et Nina Carasso, grand mécène de la Fondation Royaumont.
Durée 1h30
Église Notre-Dame de la Gloriette, Caen, le 6 octobre 2016, Concertgebouw, Bruges, le 22 octobre 2016, Chapelle de la Trinité, Lyon, le 7 décembre, Chapelle royale, Château de Versailles, le 14 décembre 2016.
Reprises en 2018 à la Chapelle royale de Versailles le 7 avril, à Londres, à St John’s Smith Square dans le cadre du London Festival of Baroque Music, le 17 mai et le 21 août à l’abbaye de La Chaise-Dieu.
Reprise en 2021 au Festival de musique ancienne d’Utrecht, les 31 août et 1er septembre.

Création

Direction musicale : Sébastien Daucé
Mise en scène : Vincent Huguet
Décors : Aurélie Maestre
Costumes : Clémence Pernoud
Lumières : Bertrand Couderc
Assistant aux lumières : Anthony Auberix
Régie : Christophe Robert

Distribution

Ensemble Correspondances

Judith : Caroline Weynants
Madeleine : Lucile Richardot
Cécile : Judith Fa / Norma Nahoun*
Dessus : Caroline Arnaud et Violaine Le Chenadec/ Perrine Devillers**
Haute-contre : Stephen Collardelle / Constantin Goubet* /Vojtech Semerad**
Taille : Davy Cornillot
Basse-taille :Etienne Bazola, René Ramos Premier
Basse : Renaud Bres, Nicolas Brooymans
*en 2018
**en 2021

Violon : Josèphe Co, Béatrice Linon, Sandrine Dupé, Simon Pierre
Flûte : Lucile Perret, Matthieu Bertaud
Viole : Mathilde Vialle, Myriam Rignol, Etienne Floutier
Basse de violon : Antoine Touche
Clavecin et orgue : Pierre Gallon
Théorbe : Thibaut Roussel
Luth : Diego Salamanca

Programme :

O Sacramentum – Ô Sacrement de Piété H.274
Judith sive Bethulia Liberata – Judith ou Béthulie libérée H.391
In odorem unguentorum – Au parfum de tes onguents H.51
Magdalena Lugens – Madeleine en larmes H.343
Caecilia Virgo et Martyr – Cécile Vierge et Martyre H.397
Sub tuum Praesidium – Sous l’abri de ta miséricorde H.28

© Photos : Philippe Delval

Note sur la mise en scène
par Vincent Huguet

 Trois femmes. Judith, Madeleine et Cécile

« Seule dans les grottes vivait Madeleine, endeuillée,
Et, soupirant nuit et jour,
D’une voix gémissante, elle parlait ainsi au Christ »

Charpentier, Motet pour Madeleine

 

Dans le corpus des œuvres de Charpentier, ses Histoires sacrées constituent un ensemble à part, d’une grande beauté, dont on a conservé les partitions, sans très bien savoir où et comment elles étaient représentées. Chantées le plus souvent en latin, avec un nombre restreint de musiciens et de chanteurs, elles sont souvent construites autour d’une figure biblique et elles se présentent comme des pièces autonomes et assez courtes, d’une vingtaine de minutes. On peut les imaginer comme de petits opéras sacrés ou comme des avatars des Mystères hérités du Moyen Âge dans la mesure où elles racontent une histoire. […] Judith, Madeleine ou Cécile : leurs noms évoquent des épisodes bibliques, des contrées mythiques –  » au-delà des montagnes de la ville de Béthulie « , pour Judith –, leurs destins incarnent des vertus, dont elles sont pour l’Église les allégories, depuis des siècles. Leur histoire est exemplaire, leur existence lointaine, mais, à travers la musique de Charpentier, les sentiments qu’elles expriment, la joie, les doutes ou la souffrance, semblent intacts. Peut-être plus encore que la peinture qui nous montre leurs visages et leurs attributs métaphoriques, leur chant ressuscite et actualise des émotions qui peuvent en faire nos contemporaines. Alors que notre société a vu revenir brutalement et durablement au premier plan la figure du martyr, face à laquelle l’incompréhension domine, alors qu’au nom du religieux, les passions et les tensions s’exacerbent, Judith la veuve héroïque, Madeleine la pénitente ou Cécile la convertie peuvent descendre de leurs niches et de leurs retables pour nous donner à voir et à entendre la force de leur expérience.

Elles sont femmes, ce qui hier comme aujourd’hui implique une prise de parole spécifique, femmes entourées d’hommes et d’anges, femmes soumises au regard d’une société qui les loue ou les condamne, mais qui les juge, toujours. C’est parce qu’elles se retrouvent soudain confrontées à une situation exceptionnelle qu’elles sortent du rang et entrent dans l’histoire.

C’est dans ce moment particulier et fondateur qu’elles peuvent aujourd’hui entrer en scène. Judith, Madeleine, Cécile : comme une trinité, comme trois sœurs qui nous raconteraient leur peur, leur désespoir ou leur victoire. Quand Madeleine dans sa grotte de la Sainte Baume se lamente sur le Christ mort, elle fait entendre la plainte de tous ceux qui ont perdu un être cher, elle donne des couleurs à un amour sans fin et sans retour, elle montre aussi une voie possible de l’affliction à l’apaisement. Et si Cécile se convertit et se bat pour convertir ses proches, la nature même de sa conversion parle des abîmes qui nous sont propres et de ce désir fou de se transformer soi-même et de transformer les autres. Relier leurs destins, entendre ce qu’elles ont à nous dire, en faire des femmes de chair et de sang, dont on prendrait les larmes et les joies au sérieux et au présent, tel est le défi scénique posé par les Histoires sacrées de Charpentier.